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"Et nous te déroulerons des tapis de jardins"

La galerie Hagalleria est heureuse de présenter la première exposition personnelle en France de Tami Notsani.  Le temps est une notion importante dans l'œuvre de cette artiste qui développe ses projets au long cours jusqu'à connaître son ‘sujet’ intimement. En photographiant sur plusieurs années des lieux et des personnes  proches, elle retranscrit leur métamorphose au fil du temps. Pour cette exposition Tami  a choisi de présenter les portraits croisés de paysages ruraux qui mettent en scène la relation d'interdépendance entre l'Homme et la nature.
 
Tami Notsani photographie des lieux en Galilée et en Bourgogne. Ce sont des sortes de paysages. Il n’y a personne, pas la moindre figure humaine. On reconnaît des maisons, des chaussées, des aménagements routiers, des ruines ou des murs de béton. On reconnaît aussi de l’herbe, des champs, des arbres, quelquefois un coin de jardin.  Les traces des hommes s’inscrivent durement dans la nature – dans ce qui reste de nature quand les pelleteuses et les bétonneuses sont passées.  Mais tout aussi visibles sont les traces de l’autre combat, celui de la revanche que la nature livre contre les hommes avec l’aide du temps. La route se creuse, les couleurs des crépis s’effacent, les murs tombent, les pierres roulent. Un jour, peut-être, il ne restera plus que d’infimes indices de ce qui fut construit en ces endroits et des populations qui y vécurent. Ces photographies, en apparence tranquilles, sereines presque, renferment en elles des signes de destruction et d’ensevelissement.  C’est déjà une raison suffisante pour les observer attentivement.
Une autre raison est que Tami Notsani expose ensemble ses vues d’une vieille campagne française et celles de l’encore récente campagne israélienne. Pourtant, aucune légende ne permet de les distinguer et c’est justement ce qu’elle veut : que l’on puisse se tromper, que l’on ne sache pas, que les repères géographiques manquent et que rien de documentaire ne soit perceptible dans ces images. Ce n’est pas une chronique qu’elle tient : mais à une réflexion anthropologique bien plus générale qu’elle convie. Dans des périodes et des circonstances différentes, des populations tout aussi différentes ont cherché à prendre possession de territoires. Elles ont proclamé et continuent à proclamer leurs titres de propriété, leur pouvoir absolu. D’un pays à l’autre, les moyens se ressemblent évidemment : s’établir sur les hauteurs, tracer des lignes droites sur les pentes, scander l’horizon de constructions, imposer une géométrie régulière à l’irrégularité des reliefs et de la végétation. Ces architectures ont quelque chose d’insultant par leur médiocrité et leur nombre. La pureté originelle, la liberté d’aller au hasard, l’ignorance des frontières ? Il n’en reste plus que le souvenir et le regret.
Ce n’est pas un hasard si Tami Notsani a décidé d’accrocher seule sur un mur la photographie d’un parallélépipède de béton. C’était une réserve de nourriture pour les troupeaux. Ce pourrait être tout aussi bien un blockhaus ou un tombeau.
 
Philippe Dagen
 
Née en Israël en 1972, Tami Notsani vit et travaille à Paris et en Israël. Elle est diplômée du Fresnoy et de  Bezalel, l’école des beaux arts de Jérusalem. L’artiste expose régulièrement en France et à l’étranger (Vidéo-appart – Paris/Dubaï, 2010 / Galerie 2B, Budapest, Emily Harvey Gallery, New-York, Galerie DoHyang Lee, Paris, 2009). Notsani  est lauréate de nombreuses résidences et bourses.

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